L’art comme évoqué ici n’est pas une discipline secondaire, mais devient au contraire un espace éducatif singulier, où l’enfant se sent légitime, même en dehors des critères classiques de performance. Il s’y exprime sans crainte d’être noté, corrigé, comparé. Par ailleurs, plusieurs enseignants rencontrés ont souligné à quel point l’art permettait de valoriser les élèves qui ne s’épanouissent pas dans les matières dites “scolaires”. L’art agit alors comme un révélateur et une échappatoire ; certains enfants y trouvent une place, une voix, une manière d’exister dans le groupe classe autrement que par les notes. Cette spécificité de l’enseignement artistique, pourtant reconnue par de nombreux professionnels de terrain, n’est pas toujours valorisée à sa juste mesure dans le système scolaire. Souvent reléguée, voire sacrifiée par manque de temps ou de moyens, elle subit la pression d’un cadre éducatif centré sur la productivité, les savoirs fondamentaux et l’évaluation.
Dans “Le maître ignorant”, le philosophe Jacques Rancière dénonce cette hiérarchie des disciplines et rappelle que toute intelligence est égale, et que l’art, justement, permet à chacun de développer son autonomie, sa pensée, son regard. Transmettre l’art à l’école, c’est donc bien plus que transmettre un contenu. C’est permettre à chaque élève de développer sa propre manière d’habiter le monde, de le représenter, de le critiquer, de le transformer. C’est faire le pari que la sensibilité est une forme de savoir essentiel, un savoir non mesurable, mais essentiel. Ainsi, la singularité de l’enseignement artistique ne doit pas être vue comme une faiblesse dans un système qui valorise l’efficacité, mais comme sa plus grande force. C’est cette singularité qui rend l’école plus humaine, plus juste, et plus ouverte à toutes les formes d’intelligence. Par conséquent, c’est pourquoi ces heures d’enseignement à l’art ne doivent plus être oubliées dans le système éducatif et doivent devenir primordiales dans le programme.